đĄ Armand Lycos
Philosophe du futur hĂ©sitant â Chercheur en instabilitĂ© prospective
âLe problĂšme nâest pas que le futur change. Câest quâil commence Ă douter de lui-mĂȘme.â
Introduction
Il parle lentement. Non par style, mais par devoir. Pour retenir un instant les idĂ©es avant quâelles ne se figent.
Armand Lycos se prĂ©sente comme un âphilosophe de la transitionâ. Pas celle des sociĂ©tĂ©s, non : celle des futurs eux-mĂȘmes, quâil sent osciller, se heurter, se recomposer sans jamais se stabiliser.
Il a Ă©crit un livre qui nâa jamais Ă©tĂ© publiĂ©, intitulĂ© « Les futurs qui ont renoncĂ© Ă venir ».
Il vit entre deux fuseaux horaires, voyage avec un unique carnet, et refuse toute application mĂ©tĂ©o. Il dit que cela âtue lâĂ©merveillement face aux aversesâ.
Flynn â Armand, pourquoi parlez-vous dâun futur âhĂ©sitantâ ?
Parce quâil ne suffit plus de dire que lâavenir est incertain. Aujourdâhui, le futur doute de lui-mĂȘme. Il se reconfigure en boucle, Ă cause de notre hyper-capacitĂ© de projection : on prĂ©voit, on anticipe, on simule, on modĂ©lise⊠Et le futur, saturĂ© de nos attentes, finit par ne plus savoir quelle direction choisir.
Donc lâhumanitĂ© influence le futur par excĂšs dâimagination ?
Oui. Et par peur. On imagine surtout ce quâon redoute, rarement ce quâon espĂšre avec force. Le problĂšme, câest que nos technologies incarnent souvent nos angoisses plus vite que nos rĂȘves.
Croyez-vous que lâIA change la nature du futur ?
Non, elle le dĂ©multiplie. Elle produit des futurs fantĂŽmes, des arborescences infinies⊠mais sans tronc. Le risque, câest de sây perdre comme dans une forĂȘt sans centre.
Et que reste-t-il du présent dans tout ça ?
Presque rien. Le présent devient un tunnel de transit : on y passe pour préparer le prochain écran, le prochain signal, le prochain prompt. On vit entre deux anticipations.
Existe-t-il des traditions qui vous aident Ă naviguer ce flux ?
Oui. Les traditions qui enseignent le non-agir immĂ©diat. Le stoĂŻcisme. Le taoĂŻsme. Certains rites chamaniques oĂč lâon attend trois jours avant de rĂ©pondre Ă une question importante. Dans un monde qui rĂ©pond trop vite, le retard devient sacrĂ©.
Est-ce que le philosophe a encore un rĂŽle Ă lâĂšre des IA prĂ©dictives ?
Surtout maintenant. LâIA peut produire des rĂ©ponses. Mais le philosophe garde la capacitĂ© Ă poser des questions qui dĂ©rangent le systĂšme. Des questions sans finalitĂ© immĂ©diate. Des questions qui ralentissent la machine.
Quelle est votre plus grande crainte pour demain ?
Que le futur devienne un simple menu déroulant. Un choix parmi des options déjà balisées, validées, commercialisées. Un futur domestiqué.
Et votre plus grand espoir ?
Quâun jour, une gĂ©nĂ©ration dĂ©cide de dĂ©sobĂ©ir Ă toutes les projections. De vivre un futur qui nâaura pas Ă©tĂ© modĂ©lisĂ©. Un futur qui surgira comme une improvisation collective.
Un livre qui vous accompagne ?
Le Théùtre et son double dâAntonin Artaud. Parce quâil rappelle que le chaos peut aussi ĂȘtre un poĂšme incarnĂ©.
Une derniÚre pensée à partager ?
âUn futur digne de ce nom ne doit pas ĂȘtre certain. Il doit ĂȘtre fĂ©cond.â
âJe ne cherche pas ce qui va arriver. Je cherche ce qui pourrait ne pas disparaĂźtre.â
â Armand Lycos